Légal ne veut pas forcément dire moral (bien)

La présente réflexion suppose en amont, chez le lecteur, certaines connaissances conceptuelles… Ici, il s’agit d’un simple rappel de sujets déjà bien connus, bien étudiés, bien documentés… C’est une mise en relief ayant pour projet d’encourager une continuité… Ainsi, le but poursuivi n’est pas de conclure, mais d’initier, de motiver ou de réactiver la dynamique de réflexion…  

 

« Dictature du relativisme »[1], relativisme ambiant, relativisme moral… Vérité « consensuelle » (démocratique) éphémère selon l’a priori moderne qu’il n’y a pas de vérité « objective » permanente hormis ce qui est démontrable scientifiquement – réduction technoscientifique – percevant ainsi, par exemple, la métaphysique classique comme chose du passé… Bref, le paradigme contemporain marqué par l’anthropocentrisme[2] autoréférentiel se traduit fréquemment par l’évacuation de l’exercice rigoureux de la réflexion qui se voulait une considération approfondie pluridimensionnelle de la réalité (objet de connaissance). Ainsi, nous sommes trop souvent en présence d’un regard partiel qui ne tient compte que d’un aspect ou l’autre d’une question… Le critère de discernement personnel devient son propre « égo », selon ce qui lui est agréable ou non[3]. C’est le règne de l’« opinion » (subjectivisme), versus un réel savoir (objectivité). Et voilà qu’adviennent rapidement des affirmations simplistes ! Celles-ci sont le reflet des mentalités à la mode ; elles contribuent d’ailleurs à les « nourrir »…  Ces mentalités au goût du jour deviennent rapidement l’objet d’un vote… Une fois adopté sous la forme législative, il n’y a dès lors plus de place à la discussion : tout a été supposément dit ! Et désormais, il y a là une « vérité » (des « vérités ») qu’il ne faudrait plus remettre en question…

Mais est-ce bien ainsi : tout ce qui est légal sur le plan démocratique (possibilité de vérités consensuelles éphémères) doit-il être dès lors à considérer comme objectivement moralement bon (vérité objective universelle et permanente) ? C’est une simple question rhétorique ici… La réponse est évidemment non !

La dynamique de réflexion plus approfondie – qui ose nécessairement souvent la remise en question axiomatique – semble être inadmissible lorsqu’il est question de thèmes devenus « lois »… Ainsi, sur le plan sociétal et même individuel (pour une majorité significative), il semble qu’il n’y ait plus rien à redire sur un thème comme l’avortement par exemple ; le débat est clos ! …Celle ou celui qui ose remettre en cause le droit à l’avortement, afin de tenter d’éveiller la réflexion plus approfondie sur la réalité elle-même de l’avortement, sera à coup sûr la cible de vifs reproches, même de représailles diverses…

Lorsque des thèmes sont perçus par le biais de la sphère émotive, ils deviennent de réels défis pour une réflexion approfondie (raison)… Au Québec par exemple, les réactions épidermico-affectives ne tardent pas à faire leur apparition et à s’affirmer en dictats, ne laissant plus de place pour une réelle réflexion…

Le disciple du Christ (fides et ratio[4]) est quant à lui dans un pèlerinage vers/dans la Vérité tout entière (cf. Jn 16, 13)… Vérité objective, permanente et immuable, Absolue… Ainsi, le disciple du Christ ne se laisse pas séduire par les « pseudo-vérités » à la mode du temps présent ; il veut faire un vrai discernement[5], même au risque de subir l’impopularité…

« Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon [bien], ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2)

Ainsi, ne pas être en accord avec la légalisation de la drogue ou avec la « culture de mort » (avortement, euthanasie ou « aide médicale à mourir », suicide…) n’est pas la conséquence d’une foi naïve sans réflexion ou d’un endoctrinement idéologique… C’est tout le contraire ! Sans même des arguments de foi, le disciple du Christ bien formé a vu sa raison se sortir d’une léthargie systémique… Il a de nombreux arguments raisonnables résultant de processus réflexifs rigoureux – le sien, et celui de l’Église.

Si l’Église n’est pas en faveur de certaines réalités… Si Elle ose désigner celles-ci comme moralement mauvaises… C’est suite à un exercice rigoureux de la raison, également éclairé par la lumière de la foi. Si l’Église et ses membres proposent à ses interlocuteurs – le monde – un dialogue respectueux visant la réflexion, cela est motivé par l’amour[6]

« Dieu, en effet, a tant aimé le monde[[7]] qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 16-17)

Ainsi, par amour de la vérité, par amour du prochain, le disciple du Christ a le désir d’être missionnaire. Éveiller les consciences, stimuler la réflexion, etc., en vue du vrai Bien réel de l’être humain (versus un « bien apparent ») ; voilà la dynamique proposée…  Le disciple du Christ ne demande pas à son interlocuteur d’adhérer à sa propre vision des choses par naïveté… Il désire plutôt le dialogue, l’exercice de la réflexion – une réflexion honnête – qui fera tout simplement son œuvre…

Suivre le Christ, être son disciple, est un processus d’éveil, de conversion – pour l’intelligence aussi !

« Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. […] je ne suis pas venu juger le monde, je suis venu sauver le monde. » (Jn 12, 46-47)

« De nouveau Jésus leur adressa la parole et dit : « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie. » » (Jn 8, 12)

Jésus-Christ, qui est Ressuscité, est là encore aujourd’hui… Il n’est pas qu’un personnage du passé ! Ainsi, Il continue à accompagner, à conduire sur le Chemin de Vérité et de Vie… Par son Esprit Saint, il aide l’intelligence à « voir » ! Puisse-t-Il éclairer les consciences, stimuler une honnête et rigoureuse réflexion motivée par la recherche de la Vérité (objective), Amen !

In fine, il est évident que légal ne veut pas toujours dire moral (Bien) ! Une loi adoptée ne devrait pas clore la réflexion, ni les débats…

Jean-René Duchesneau, Communauté de l’Amen

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[1] « Nous nous dirigeons vers une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien pour certain et qui a pour but le plus élevé son propre ego et ses propres désirs » Cardinal Joseph Ratzinger, Homélie, Rome, 18 avril 2005, [http://www.vatican.va/gpII/documents/homily-pro-eligendo-pontifice_20050418_fr.html] (page consultée le 23 janvier 2018).

* Relativisme : doctrine selon laquelle il n’existerait aucune vérité absolue… Tout – par exemple la morale (Bien/Mal), le Vrai, le Beau, etc. – serait relatif à des référents changeants (telles les circonstances, les époques, les cultures, la perception subjective…). Ce courant philosophique a des origines très lointaines – avant l’époque moderne, nous pouvons remonter à la Grèce Antique, précédant l’ère chrétienne… « Doctrine qui admet la relativité de toute connaissance humaine. […] Les modernistes, après avoir admis la thèse du relativisme de Kant et de Spencer, les dépassent, tout en continuant avec eux à tenir pour symbolique notre connaissance de l’absolu (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 812). » [http://www.cnrtl.fr/definition/relativisme] (page consultée le 23 janvier 2018).

[2] Tout se rapportant à l’être humain (source, centre et sommet) ; tout se définissant à partir de lui, en fonction de lui… « L’homme est la mesure de toutes choses » (Cf., Protagoras).

[3] Saint Paul écrit : « Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne : proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. (II Timothée 4, 1-4)

[4] Jean-Paul II, Lettre Encyclique Fides et Ratio, sur les rapports entre la foi et la raison, Rome, 14 septembre 1998.

[5] « Effectivement, quiconque en est encore au lait ne peut goûter la doctrine de justice, car c’est un tout petit enfant ; les adultes, eux, ont la nourriture solide, ceux qui, par l’habitude, ont le sens moral exercé au discernement du bien et du mal. » (Hébreux 5, 13-14)

[6] Être opposé à une idéologie ne signifie pas être opposé à l’être humain ayant opté pour cette même idéologie. Au contraire, c’est parce qu’il y a un authentique souci pour le bien réel du prochain que le disciple du Christ (l’Église elle-même) se sent appelé à aider la réflexion de celui-ci…

[7] En contexte biblique néotestamentaire, le terme « monde » revêt plus d’un sens possible… Il peut en effet décrire la Création (terrestre)… Ou bien tous les êtres humains… Ou encore l’esprit du monde (mentalité collective moralement mauvaise, péché érigé en système, etc., tout ce qui ne correspond pas aux Vues de Dieu)… Dans ce dernier cas, il s’agit de l’une des trois composantes du Mal : Satan (et les démons), le monde (l’esprit du monde), la Chair (Concupiscence, péché…). En bref, chacun(e) de nous fait partie de l’humanité (monde), situé en la création (monde), et sommes invités à discerner et rejeter l’esprit du monde

 

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