Faisant suite au texte « Révélation Officielle & révélations privées – accueil et prudence », voici un ajout complémentaire…
Il est très brièvement ici question des révélations privées lorsqu’elles annoncent la fin du monde (ou la fin des temps) et le Retour Glorieux du Christ (le Second Avènement).
Depuis deux mille ans, les chrétiens sont dans l’attente pleine d’espérance quant aux fins dernières (relatives aux annonces eschatologiques[1], spécialement au sein du discours de Jésus-Christ lui-même [cf. Matthieu 24]). Déjà au premier siècle de l’ère chrétienne, au sein de la jeune Église, on était dans l’attente de la Parousie[2]. Saint Paul exhortait déjà les fidèles à vivre cette attente pleine d’espérance dans certaines dispositions (cf. I Thessaloniciens)[3]. Il y avait en effet des attitudes inappropriées quant à cette attente. Encore aujourd’hui – et depuis deux mille ans – il y a des attitudes qui méritent d’être au minimum questionnées…
Plusieurs fidèles « mordu-e-s » de révélations privées sont convaincus que le Retour du Christ est pour très bientôt, même à coup sûr lors de leur vie terrestre… Ce ne serait qu’une question d’années ; même moins selon certains fidèles… Il y a des révélations privées qui annoncent cela, l’imminence de cet Avènement eschatologique. C’est ici qu’il est impératif de faire attention !
Comme depuis deux mille ans, même au temps de l’Apôtre Paul, il est vrai que nous ne savons pas le moment où arrivera cette nouvelle étape décisive de l’histoire humaine. Mais tel que depuis deux mille ans l’Église n’a cessé de le répéter à la suite de l’Apôtre, en même temps que d’attendre le Second Avènement, il y a un rendez-vous avec l’ici et maintenant, le présent bien incarné de notre vie… L’attente doit se vivre sainement, dans une certaine posture intérieure (qui se reflète à l’extérieur).
Tout fidèle catholique doit s’exercer à vivre la relation d’Alliance avec le Seigneur dans l’aujourd’hui de sa vie… Conscient qu’il y ait davantage de probabilité que la grande rencontre ultime avec le Seigneur s’accomplisse lors de la mort, plutôt que lors du Retour Glorieux du Christ en ce monde. Puisse l’attente être davantage tournée vers les dispositions intérieures, consciente de la condition mortelle de l’Homo Viator (l’être humain, un voyageur, un pèlerin, en marche vers la Patrie Céleste). En bref, en tant que fidèles disciples du Seigneur, il serait davantage profitable d’intensifier notre cheminement spirituel en se préparant à l’ultime rencontre avec le Seigneur qui adviendra à coup sûr lors de notre mort – celle-ci adviendra probablement avant la fin des temps et le Retour Glorieux du Christ ! Préparons-nous, le temps nous est compté ; le temps d’une vie terrestre est court… Plus court que les déjà deux mille ans d’attente ! Pensons en effet à celles et ceux qui, de manière frénétique, ont été presque exclusivement centrés sur le moment de la grande rencontre « eschatologique » ; ne s’investissant ainsi pas suffisamment dans l’« aujourd’hui » de leur relation toujours plus intime avec le Seigneur, jusqu’à l’ultime rencontre de l’« eschatologie personnelle » (notre fin personnelle)…
En résumé, et dit autrement, préparons-nous à la rencontre ultime, face-à-face, avec Notre Seigneur ; en considérant non d’abord le moment de son Retour Glorieux, mais plutôt notre propre mort… Celle-ci risque de se produire avant la fin du monde ! Ainsi, si l’attention est orientée vers cette certitude (nous nous approchons de plus en plus à chaque jour de cette inéluctable réalité qu’est la mort), nous risquons moins de déserter le lieu de l’appel du Seigneur au quotidien… Et à supposer qu’advienne de notre vivant (à notre époque) le Second Avènement et la manifestation eschatologique de la Victoire de Dieu, nous serons intérieurement déjà dans la posture adéquate : déjà en relation intense et profonde avec le Seigneur (ce sera une continuité où nous serons prêts à ce face-à-face ultime)…
En somme, l’attention doit se porter sur le face-à-face ultime, quel que soit le moyen par lequel il adviendra à coup sûr (le Retour Glorieux, ou notre propre mort). L’attention ne doit donc pas être uniquement sur le Retour Glorieux (et les événements extérieurs), mais prioritairement sur le déjà de la relation, qui nous introduit de plus en plus dans l’Éternité Bienheureuse avec le Seigneur de Gloire. Attention donc aux révélations privées qui attirent trop l’attention sur un « pas encore à venir », davantage « extérieur » (des événements), et qui n’accorderaient pas assez d’importance à l’aujourd’hui de la relation avec le Seigneur[4]. Notre Église attend le Second Avènement et les fins dernières sans déserter l’ici et maintenant vécu avec l’Emmanuel, le Dieu toujours avec nous. La sanctification nous invite à un rendez-vous dans l’aujourd’hui quotidien de notre vie !
Par Jean-René Duchesneau, Communauté de l’Amen
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[1] L’eschatologie est un mot initialement composé de deux termes : ἔσχατος (eschatos / éschaton – dernier) et λόγος / λογία (lógos / logia – discours, parole, étude). Il s’agit donc du discours sur la fin du monde ou la fin des temps.
[2] Terme issu du grec parousia (présence, arrivée, venue). Il est ici question du Retour Glorieux du Christ… Donc « […] la venue du Christ parmi les hommes, inaugurant les temps messianiques et l’avènement glorieux à la fin des temps. » (Église catholique en France, [http://www.eglise.catholique.fr/glossaire/parousie/] page consultée le 13 juillet 2017).
[3] « En d’autres termes, l’attente de la parousie de Jésus ne dispense pas de l’engagement dans ce monde, mais au contraire crée une responsabilité devant le Juge divin à propos de nos actions dans ce monde. C’est justement ainsi que grandit notre responsabilité de travailler dans et pour ce monde. […] L’attente du retour implique donc une responsabilité pour ce monde. » (Benoît XVI, Audience générale du Mercredi 12 novembre 2008, Eschatologie – L’attente de la parousie dans l’enseignement de saint Paul [https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20081112.html] page consultée le 13 juillet 2017).
[4] Depuis longtemps l’Église enseigne l’importance de faire l’« examen de conscience » en contexte de prière… Il s’agit de s’habituer à avoir une conscience éclairée par la grâce lumineuse de Dieu, en vue d’une plus grande conversion (relative à notre sanctification)… Ai-je vraiment besoin d’attendre un « moment historique » pour déjà vivre sous la dynamique de l’« illumination des consciences » ? Demandons-la pour nous-mêmes, ainsi que pour tous les êtres humains, sans arrêter notre attention sur un « événement de grâce » futur… Déjà, Notre Seigneur veut donner sa Grâce Salvifique… Il a le Cœur ouvert, donnant tout, se donnant lui-même, le « Tout », et de ce lieu découle tout le reste… Dans la Tradition spirituelle bimillénaire de l’Église, la conversion qui résulte du procédé-choc (l’illumination de la conscience) n’est pas un fait nouveau ! Tant mieux s’il venait un temps où cela adviendrait de manière planétaire, pour toutes et tous ! Mais attention, même là, il ne faudrait pas confondre cela avec la doctrine dogmatique du « jugement particulier » lors de la mort. Par la dimension prophétique de notre baptême, soyons tout un chacun(e) une occasion d’interpellation pour la conscience humaine… Déjà, par l’évangélisation, puisse les consciences en être éveillées, illuminées par la Grâce de Dieu (seule capable de produire cela). Déjà, c’est le moment où Notre Seigneur s’offre, prêt à tout donner – Il a déjà tout donné ! Il est prêt à agir envers toute personne qui accueille sa Grâce… S’il y a un temps historique particulier où Il accomplirait des merveilles particulières (mirabilia Dei), tant mieux ! Mais n’attendons pas cela comme si le « maintenant » n’était pas encore l’heure de sa Grâce ! …Nous ferions une grave erreur… Ce serait déserter le lieu de la mission actuelle, incluant les moyens privilégiés du Salut que sont les sacrements (l’Église elle-même). Au terme, que celle ou celui qui lit cette réflexion personnelle ne conclue pas faussement en une condamnation de ma part au sujet d’une révélation privée ou une autre – là n’est pas mon propos… Il y a seulement un appel à éviter certains écueils évitables pour qui intègre l’exercice de la raison dans sa vie de foi (Fides et Ratio).
© Copyright 2017 – Jean-René Duchesneau, Communauté de l’Amen