Quelques balbutiements de réflexion ; une première ébauche, une simple esquisse préliminaire (appelée à davantage de développements ultérieurs)…
Réjouissons-nous pour tous les dons de Dieu (incluant les authentiques révélations privées) ! De manière unique et inégalable, réjouissons-nous pour le Donateur toujours en état de Don !
Tel un a priori, nous devons comprendre et accueillir ce que Dieu, dans sa souveraine liberté, a décidé de faire, en termes de moyens et modus operandi, visant l’Alliance avec l’humanité, et le Salut de celle-ci.
De sa propre initiative, Il est venu se révéler à l’humanité (progressivement, avec pédagogie)… Dans l’histoire du Salut, nous voyons différentes étapes de cette Révélation… Jusqu’en sa plénitude, c’est-à-dire Jésus-Christ. Tous les êtres humains sont appelés au Salut offert gracieusement par Dieu, en Jésus-Christ, dans la Puissance et la Communion de l’Esprit Saint.
Le Peuple de Dieu, le Peuple-Témoin de l’Alliance Nouvelle et Éternelle, élu par Dieu, c’est l’Église fondée et établie par le Christ ; par qui Notre Seigneur appelle d’ailleurs tous les êtres humains. Oui, tous sont appelés au Salut ! L’Église est alors là pour suivre et servir le Christ, ainsi que son Salut offert à toute l’humanité… Si le Christ a voulu opérer par l’Église qu’Il a fondée, je dois en conséquence moi-même accueillir ce grand « moyen » privilégié du Salut !
Allons maintenant un peu plus loin, en terme introductif…
D’emblée, réaffirmons ce qu’est la Révélation Officielle selon l’enseignement de l’Église Catholique… Elle est essentiellement la communication progressive que Dieu fait de lui-même à l’humanité, dont son point culminant est dans le Christ Jésus, le Verbe fait Chair (Incarnation Rédemptrice) [1].
La Révélation Officielle comporte deux sources : la Sainte Écriture (selon le Canon fixé[2]) et l’Église[3] (Tradition Vivante & Magistère[4]).
L’enseignement officiel de l’Église Catholique fait la distinction entre les éléments que l’on doit croire par la vertu théologale de la foi (essentiels à notre salut), et les éléments que l’on peut accueillir à titre d’aide pour notre pèlerinage à la suite (sanctification) et au service (mission) du Christ – il ne s’agit alors pas de la vertu théologale de la foi (venant de Dieu) comme telle pour ces derniers éléments, mais d’une croyance davantage liée aux capacités naturelles de l’être humain[5].
Les révélations privées, quoi qu’il en soit de leur utilité (oui, rendons grâce à Dieu pour les authentiques révélations privées), ne sont pas essentielles pour notre foi (en tant que fidèle catholique). La disposition du fidèle catholique vis-à-vis les authentiques révélations privées (passées, présentes ou futures) devrait préférablement en être une d’accueil[6] – pour ce qu’elles sont, à leur juste place – en tant que moyens d’aide additionnelle accordés par Notre Seigneur, visant telle ou telle réalité humaine et spirituelle selon des besoins plus spécifiques relatifs à l’époque (l’Église dans le monde de ce temps ; chaque temps ; tous les temps de son pèlerinage terrestre)[7]. Attention cependant, les éléments qui tirent leur origine de révélations privées n’ont pas tous la même valeur… Dans la grande Tradition Vivante de l’Église, ils seront ou non davantage mis en relief lorsque discernés comme ayant une certaine crédibilité et utilité… D’autres éléments, seront ignorés… Plusieurs révélations privées elles-mêmes seront rejetées en leur ensemble, après un sérieux discernement ecclésial[8].
Ici (en la présente version de notre réflexion), seulement à titre d’exemples pour notre propos, nous porterons attention à deux écueils majeurs à éviter lorsqu’il est question des révélations privées… Pour se faire, nous aurons parfois recours au procédé rhétorique que peut être la « caricature » (exagération volontaire afin de mieux faire voir un élément ou l’autre). Lorsqu’il y a utilisation de ce procédé, le lecteur doit comprendre le but recherché : éveiller la conscience sur de possibles comportements déviants à éviter…
D’abord, pour tout fidèle catholique, jamais la révélation privée (ni l’expérience spirituelle personnelle) – quelle qu’elle soit – doit avoir (représenter) davantage d’importance comparativement à la Révélation Officielle. Notre foi doit impérativement s’attacher bien d’abord (en priorité) à Celle-ci (R…), de manière ferme, constante et durable… Conséquemment, jamais l’enseignement officiel de l’Église ne doit être remis en question à cause d’une révélation privée[9]… S’il y a incompatibilité entre la Révélation Officielle et une révélation privée, notre foi doit obligatoirement devenir « obéissance de la foi »[10] vis-à-vis ce que l’on doit croire (la foi qui est une vertu théologale), c’est-à-dire la Révélation Officielle (Sainte Écriture & Église en son Magistère et sa Tradition Vivante)…
Ajoutons… À supposer que l’Église soit appelée à mieux comprendre un élément ou l’autre de la Révélation accomplie et donnée par Dieu en Jésus-Christ[11], ce sera en définitive à Lui (Dieu Trinité) de donner à son Église ce qui lui sera utile pour cela (de la manière qu’Il le voudra). Si une révélation privée en particulier devait représenter un apport en ce sens[12], ce sera ultimement à l’Église (peut-être même jusqu’en son Magistère), assistée de l’Esprit Saint, de faire ce discernement – et c’est donc Dieu qui doit s’arranger avec son Église ! Ce n’est pas à nous – orgueilleux que nous sommes – de conduire l’Église ! Les révélations privées, ainsi que celles et ceux qui en seraient les « instruments », doivent être soumis à l’Église (et par-là à Dieu) ; non l’inverse ! L’Église a, quant à elle, à être soumise à la Révélation Officielle ; par-là, directement à Dieu. Son rôle est essentiellement de sauvegarder et de transmettre fidèlement ce qu’elle a reçu du Seigneur (la Révélation Officielle)… Non d’être dans l’attente d’autre(s) révélation(s) : « La foi chrétienne ne peut pas accepter des « révélations » qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement[13]. »
On assiste malheureusement aujourd’hui, même dans des milieux « dévots », à une certaine déviance, pouvant même être considérée à tire de « maladie spirituelle »… Ici, en ce paragraphe, mon propos sera un peu caricatural… Au regard de difficultés ecclésiales à notre époque (pourtant, chaque époque a comporté ses défis ; et pourtant, l’Église est toujours là !), des groupuscules de fidèles « plus catholiques que le pape », se perçoivent comme des privilégiés – dû à l’accès à des révélations privées directement venues du Ciel – et se permettent alors de condamner sévèrement l’Église actuelle[14]… Ces « milieux dévots », très attachés aux révélations privées, accordent davantage d’importance à ces dernières (souvent en termes affectif) qu’à l’Église et son riche et vaste enseignement officiel (il y a là beaucoup de richesses à découvrir, parfois tant ignorées par ces milieux dévots eux-mêmes !)… Par ce recourt intensif aux révélations privées, il y a souvent inconsciemment une présomption orgueilleuse d’être ainsi plus « fidèle » et « proche » de Dieu, de son Projet… On verse facilement dans les théories du complot, on se voit alors « rescapé », puisqu’à l’« écart » de cette Église rendue loin de Dieu… Ces groupuscules deviennent fermés sur eux-mêmes (plus ou moins grand repli identitaire observable), avec « leurs » révélations privées (celles de l’heure, en vogue, c’est-à-dire les plus populaires)… Au terme, ces fidèles « dévots » ne sont souvent pas conscients à quel point ils se privent de nourritures spirituelles solides, reconnues, ayant fait depuis longtemps leurs preuves au sein de la Tradition Vivante de l’Église… Il y a une grande méconnaissance de figures spirituelles emblématiques, du réel (et bien compris) enseignement officiel de l’Église, etc. Plutôt que sortir des zones de confort, afin de participer avec optimisme (et un saint détachement) à l’Église de ce temps, ces fidèles demeurent en marge… Ils vont, tels des consommateurs, magasiner et chercher ce qu’ils veulent, selon leurs petites vues, çà et là, dans les diverses ressources ecclésiales jugées « dignes ». En-dehors de leurs milieux dévots, sont-ils au rendez-vous de la nouvelle évangélisation, allant vers les périphéries ?
Abordons maintenant un deuxième écueil possible, malheureusement observable lorsqu’il est question des révélations privées…
Lorsqu’il est question des présumées révélations privées actuelles, ainsi que de celles et ceux qui « recevraient » de manière privilégiée ces dites révélations afin de les transmettre ; etc., il y a alors là un défi qui concerne plus précisément l’exercice du discernement (quant à ses révélations), de l’accompagnement (de celles et ceux qui en seraient les « instruments ») et de l’encadrement (la gestion de l’ensemble, dont la question de la transmission de ces dites révélations).
Commençons par la question du discernement. Un principe fondamental à mettre en relief ici, utile pour la suite… Selon la vision chrétienne catholique, nous ne sommes pas une « religion du Livre »[15]… Au sein de l’Écriture Sainte, il n’y a pas seulement la présence de Dieu, comme si ce dernier avait utilisé la main de l’être humain tel un marionnettiste… Il y a la présence observable de deux interlocuteurs, les deux partenaires de l’Alliance (Dieu et l’être humain). L’Écriture Sainte est, selon mes mots davantage personnels, le « témoin scripturaire » de l’Histoire d’Alliance entre Dieu et l’humanité… Tant et si bien que pour avoir une juste interprétation et compréhension de la Parole de Dieu, même en tenant compte du caractère totalement unique relatif à son inspiration, il nous faut malgré tout faire un important travail d’analyse exégétique… Il y a de l’« humain » même dans la Bible ! Il est important de départager les choses, de faire un discernement, des distinctions, etc[16]. Par exemple – l’Église l’enseigne elle-même – on peut parler d’éléments désormais « caducs » au sein des écrits vétérotestamentaires (Ancien Testament)[17]. L’Église affirme l’importance des études bibliques ! Cela, afin d’éviter des écueils tel par exemple le fondamentalisme – qui pourrait avoir son origine dans une mauvaise interprétation des Saintes Écritures.
Les fidèles catholiques – clercs inclus – n’ont pourtant pas tous une formation (reconnue valable) en études bibliques… Tous ne sont pas exégètes ! Tous ne sont pas théologiens ! Dès lors, il n’est pas rare d’observer, même chez de « bons catholiques », des interprétations erronées de la Sainte Écriture ; pareillement concernant des éléments de doctrine.
Devant ce constat, combien a fortiori devrions-nous être encore plus prudents lorsqu’il est question de la réception-interprétation de révélations privées ? Au sein de ces dernières – qu’on ne peut pas mettre sur un même pied d’égalité avec la Sainte Écriture, spécialement au sujet du « niveau » ou de la « qualité » d’inspiration – il est tellement important qu’il y ait un rigoureux travail de discernement, notamment par un travail d’analyse balisé de niveau « professionnel » (disciplines exégétiques, théologiques, etc.). Même dans le meilleur cas, celui d’authentiques révélations privées, il y a du tri à faire… Ce ne sont pas tous les éléments du contenu de la révélation privée qui doivent être attribués à l’inspiration divine… Il y a trop souvent de l’« humain » en bonne quantité ! …Il y a des éléments qui peuvent être en contradiction, même gravement en contradiction, avec la Révélation Officielle. Et même quand c’est minime (tendancieux par exemple), ce peut être grave en termes de conséquences !
En somme, il n’est malheureusement pas rare d’assister à une carence significative eu égard au processus de discernement (accompagnement-encadrement) d’une révélation privée[18]… Le discernement, l’accompagnement et l’encadrement suivi devraient avoir recourt à des personnes véritablement qualifiées. Le sacerdoce presbytéral – un prêtre – n’est pas une garantie de qualification… La sainteté personnelle de ce dernier non plus ! Même un évêque, lorsqu’il doit s’impliquer, aura habituellement – c’est à souhaiter ! – la sagesse de faire appel à des ressources véritablement qualifiées – bien disposées, souhaitons-le ! – pour l’aider dans le processus de discernement vis-à-vis une révélation privée ou une expérience mystique avec un aspect « extraordinaire » (grâces particulières). En bref, on voit çà et là des exemples de carences dans le processus de « discernement-accompagnement-encadrement »… Il y a un sérieux travail à faire qui doit se référer à des critères de discernement objectifs, à des outils et références reconnus[19], dont la légitimité n’est plus à prouver.
Ainsi, même si une révélation privée était généralement « bonne », il y aurait quand même sûrement, au sein de celle-ci, des éléments qui ne devraient pas être considérés comme « inspirés » ; donc non mis en valeur, encore moins publicisés ! D’autres éléments pourraient peut-être quant à eux être mis en évidence ; tout en faisant attention à ne pas trop accorder d’importance à ladite révélation privée (versus la Révélation Officielle).
De manière résumée, et dit autrement, ce deuxième écueil, pour être évité, doit pouvoir compter sur des ressources adéquatement formées et disposées favorablement. Dans une révélation privée, des éléments peuvent être mis en valeur, même proposés ; d’autres ne le devraient pas ! Ainsi, la saine part authentiquement « inspirée » de ladite révélation privée pourrait porter son bon fruit, tout en évitant les « contaminants » susceptibles pour leur part de produire de mauvais fruits… Un bon grand verre d’eau fraîche, même avec juste un peu de « poison », peut devenir toxique et rendre malade !
Parmi les « ressources actuelles », impliquées au sein de révélations privées, certaines devraient être davantage lucides sur leurs réelles formations et compétences en ces domaines – ou plutôt lucides sur leur manque de formation et de compétences… Il serait malheureux qu’une carence, souvent inconsciente, parfois même masquée par de l’orgueilleuse présomption, soit la cause de mauvais fruits pourtant évitables[20].
Rendons grâce au Seigneur pour sa présence active qui se traduit, entre autres choses, par l’initiative de révélations privées ! Puissions-nous les recevoir pour ce qu’elles sont ; souhaitant qu’elles ne prennent pas la place de ce qui doit être accueilli en priorité, de manière irremplaçable, incomparable. Nous devons respecter le Seigneur, en ce qu’Il a déjà choisi de prioriser (qui constitue la Révélation Officielle) ; sans rejeter ces autres initiatives d’aide de sa part… Ajoutons ici une invitation aux moyens privilégiés de salut que sont les sacrements ! Une invitation à aller puiser la nourriture solide au sein de la Tradition Vivante bimillénaire de notre Église !
Rendons grâce à Notre Seigneur !!!
Par Jean-René Duchesneau, Communauté de l’Amen
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[1] « “Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu ‘en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils” (He 1,1-2). Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui Il dit tout, et il n’y aura pas d’autre parole que celle-là. S. Jean de la Croix, après tant d’autres, l’exprime de façon lumineuse, en commentant He 1,1-2: Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole …; car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté (Carm. 2, 22). » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 65). « “L’Économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ” (DV 4). » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 66).
[2] *Disons simplement que le mot « canon » – issu du grec ancien « κανών » (kanôn) – vient originellement d’un terme sémitique (hébraïque) qui rejoint l’idée de « mesure », de « règle » (un objet-instrument de mesure)… En un sens dérivé, le terme en vint à être utilisé pour désigner ce qui faisait partie de la règle reconnue, normative… Ainsi, le terme « Canon » devint significatif de « Règle de la foi »… Le Canon des Écritures correspond donc à l’ensemble des écrits ayant été discernés comme étant authentiquement inspirés, et donc représentatifs (fidèles) de la foi « officielle » de l’Église (correspondant à la foi des Apôtres, et donc à l’enseignement du Christ). La Bible – selon la foi chrétienne et catholique – est cet ensemble d’écrits officiellement sélectionnés (au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne).
*« C’est la Tradition apostolique qui a fait discerner à l’Église quels écrits devaient être comptés dans la liste des Livres Saints (cf. DV 8,3). Cette liste intégrale est appelée “Canon” des Écritures. Elle comporte pour l’Ancien Testament 46 (45, si l’on compte Jérémie et Baruch ensemble) écrits et 27 pour le Nouveau (cf.DS 179 1334-1336 1501-1504): Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth, les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois, les deux livres des Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith, Esther, les deux livres des Maccabées, Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Isaïe, Jérémie, les Lamentations, Baruch, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joèl, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Agée, Zacharie, Malachie pour l’Ancien Testament; les Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean, les Actes des Apôtres, les Épîtres de S. Paul aux Romains, la première et la deuxième aux Corinthiens, aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, la première et la deuxième aux Thessaloniciens, la première et la deuxième à Timothée, à Tite, à Philémon, l’Épître aux Hébreux, l’Épître de Jacques, la première et la deuxième de Pierre, les trois Épîtres de Jean, l’Épître de Jude et l’Apocalypse pour le Nouveau Testament. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 120).
[3] Au sein de la Révélation (ce qui la constitue), on ne peut ignorer l’interrelation fondamentale entre ces deux sources – Écriture Sainte et Église… Dans une certaine vision protestante « fondamentaliste » où l’on s’attache beaucoup au principe du « sola Scriptura », on sépare l’interprétation de la Bible – la Bible elle-même – de l’Église (la Tradition et le Magistère au sein de la communauté de foi). Ainsi, on ignore la réalité historique, le fait que l’existence de la réalité communautaire – l’ecclésia (Église) – a précédé la composition des textes bibliques néotestamentaires. Il y eu une tradition orale portée par le Peuple de l’Alliance, avant que cela se traduise dans une tradition écrite (les Saintes Écritures). Les Écrits néotestamentaires ont connu leur production au sein de l’Église naissante déjà existante ; déjà en situation d’une Alliance vécue ; déjà en une situation d’interprétation de cette réalité expérientielle… Oui, l’Écriture Sainte est liée à une expérience d’Alliance déjà vécue au sein d’une communauté croyante… Le contexte de production scripturaire, c’est l’ecclésia, où se vit l’inspiration (au sein de l’expérience de l’Alliance) ; où se vit également l’interprétation située de celle-ci. En bref, c’est à partir de l’Alliance vécue au sein de l’Église (et du Peuple de la Première Alliance) qu’il y eut une tradition écrite, issue elle-même d’une tradition orale. Toujours, l’Écriture Sainte n’est jamais une réalité isolée… Elle doit donc constamment être considérée avec son contexte de production, c’est-à-dire le Peuple de l’Alliance (le Peuple de Dieu), l’Église vivant sa relation d’Alliance avec le Seigneur. (Cf. Commission Biblique Pontificale, Interprétation de la Sainte Écriture dans l’Église, « 1. Méthodes et approches pour l’interprétation. 1.F. Lecture fondamentaliste »).
[4] « “La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ” (DV 10), c’est-à-dire aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, l’évêque de Rome. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 85).
[5] Cf. Benoît XVI, Exhortation post-synodale Verbum Domini, « Dimension eschatologique de la Parole de Dieu », n°14. Voir aussi : cf. Joseph Card. Ratzinger, Congrégation pour la doctrine de la foi, Le message de Fatima. Commentaire théologique, Cité du Vatican, 26 juin 2000.
[6] Le propos de la présente réflexion en est clairement un qui vise la prudence vis-à-vis le traitement que l’on fait des révélations privées… En conséquence, il est possible que je ne me fasse pas beaucoup d’amis parmi les « mordu-e-s » de révélations privées… Pourtant, ici, en cette réflexion, il ne s’agit pas d’un rejet ou d’une condamnation de ce phénomène… L’accueil de ce dernier est bien réel : puisse tout lecteur s’en souvenir !
[7] « Au fil des siècles il y a eu des révélations dites “privées”, dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’“améliorer” ou de “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 67).
[8] « Depuis le concile de Latran V (1512-1517), il est demandé que ces phénomènes ne soient pas divulgués avant examen et autorisation préalables par l’Ordinaire du lieu. À celui-ci incombe, depuis lors, d’instruire le dossier et de se prononcer sur le phénomène, avant tout examen par le Saint-Siège. Cette responsabilité de l’évêque relève de sa qualité de docteur et de sa fonction d’enseignement tel que le concile Vatican II l’a développé [Lumen Gentium 24]. » (Le Comité de théologie de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, Que penser des révélations dites « privées »?, Note théologique et pastorale no 7, « Comment déterminer l’authenticité des révélations particulières? », 22 juin 2011, [http://www.eveques.qc.ca/documents/2011/20110628no7.html]).
[9] « La foi chrétienne ne peut pas accepter des “révélations” qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines Religions non-chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles “révélations”. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 67).
[10] *« Obéir (“ob-audire”) dans la foi, c’est se soumettre librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 144).
*« Lorsque par son Magistère suprême, l’Église propose quelque chose “à croire comme étant révélé par Dieu” (DV 10) et comme enseignement du Christ, “il faut adhérer dans l’obéissance de la foi à de telles définitions” (LG 25). Cette infaillibilité s’étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine (cf. LG 25). » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 891).
[11] « “L’Économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ” (DV 4). Cependant, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 66).
[12] Redisons-le : « Au fil des siècles il y a eu des révélations dites “privées”, dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’“améliorer” ou de “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 67).
[13] Catéchisme de l’Église Catholique, n° 67.
[14] Cela ne veut pas dire que rien ne doive être objet de questionnement, voire même d’exhortation fraternelle concernant l’une ou l’autre difficulté ecclésiale située dans le temps (chaque époque comporte des défis, même au sein de l’Église). Évidemment, il y a également les défis que peuvent représenter le manque de conversion des membres du Peuple de Dieu, spécialement lorsqu’il s’agit d’une figure d’autorité ecclésiastique.
[15] Cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n° 108.
[16] « Dans l’Écriture Sainte, Dieu parle à l’homme à la manière des hommes. Pour bien interpréter l’Écriture, il faut donc être attentif à ce que les auteurs humains ont vraiment voulu affirmer et à ce que Dieu a bien voulu nous manifester par leurs paroles (cf. DV 12). » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 109). « Pour découvrir l’intention des auteurs sacrés, il faut tenir compte des conditions de leur temps et de leur culture, des “genres littéraires” en usage à cette époque, des manières de sentir, de parler et de raconter courantes en ce temps-là. “Car c’est de façon bien différente que la vérité se propose et s’exprime en des textes diversement historiques, en des textes, ou prophétiques, ou poétiques, ou même en d’autres genres d’expression” (DV 12). » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 110). « “Il appartient aux exégètes de s’efforcer, suivant ces règles, de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l’Église. Car tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Écriture est finalement soumis au jugement de l’Église, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la parole de Dieu et de l’interpréter” (DV 12,3) […]. » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 119).
[17] « Les écrits de l’Ancien Testament contiennent des éléments “imparfaits et caducs” (Dei Verbum, 15), que la pédagogie divine ne pouvait pas éliminer d’emblée. » (Commission Biblique Pontificale, Interprétation de la Sainte Écriture dans l’Église, « Exégèse et théologie morale », 3.D.3.).
[18] Ici, au Québec, il y a malheureusement plus d’un exemple… !
[19] *Non la tendance actuelle qu’est l’« autoréférence »… Attention à celle ou celui qui ignore sa propre ignorance ! Plusieurs confondent le domaine de l’opinion versus celui du réel savoir objectif, balisé, reconnu… « L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. » (Aristote).
*Sans les nommer (ce n’est pas le but de la présente réflexion), il faut savoir qu’il existe plusieurs outils et ressources référentielles reconnus au sein de l’Église (reconnus par le Magistère)… Il y a également des « spécialistes » de ces questions (grâces extraordinaires particulières, révélations privées, etc.). Lorsqu’une grâce est authentique – tire son origine de Dieu – il n’y a pas à craindre ce passage obligé que représente le nécessaire discernement ecclésial… Si c’est vraiment de Dieu, c’est à Lui qu’il incombe de faire advenir sa Volonté… Il a su le faire plus d’une fois par son Église, malgré l’humaine nature pécheresse de ses membres – lorsque cela provoquait des difficultés ou épreuves supplémentaires…
[20] « L’authentification des révélations particulières réclame donc la plus grande prudence. Il est intéressant de rappeler que les réserves les plus fortes à l’endroit de ces phénomènes viennent de théologiens mystiques eux-mêmes. Au XVIe siècle, Jean de la Croix, par exemple, préconisait à l’égard des révélations privées une attitude de désintéressement complet et de parfait détachement. Pour lui, le désir des dons divins et la complaisance qu’on y prend constituent un obstacle majeur à l’union avec Dieu, qui ne se réalise que dans la foi pure. Son opinion est sans équivoque : il est nécessaire de “ne pas admettre” les révélations particulières quand elles se manifestent, mais au contraire de leur “résister” comme à des dangereuses tentations [Jean de la Croix, La montée du Carmel, Livre II, chapitre 27,6, Paris, Cerf, 1982, p.232.]. » (Le Comité de théologie de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, Que penser des révélations dites « privées »?, Note théologique et pastorale no 7, « Comment déterminer l’authenticité des révélations particulières? », 22 juin 2011, [http://www.eveques.qc.ca/documents/2011/20110628no7.html]).
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